Simulation, sexe et sanitaires

Deux jours avant la journée internationale des droits des femmes, je devais rendre le rapport d’une étude de simulation dynamique sur la capacité/accessibilité d’un centre de congrès : un vaste bâtiment de huit étages, pouvant accueillir jusqu’à 3000 personnes dans de multiples salles de toutes tailles, avec la gestion des badges d’accès et des escalators en pannes, tout ce que j’aime…

Le cadre de l’étude couvrait aussi le dimensionnement des sanitaires, et je me suis donc appuyé sur les chiffres servant communément de référence, ceux attribués à la World Toilet Organization : nous allons aux toilettes de 6 à 8 fois par jour, soit environ toutes les 4 heures. Les femmes y séjournent plus longtemps que les hommes (le temps de séjour pour les femmes est situé entre 2 minutes 33 et 3 minutes, tandis que pour les hommes il est entre 1 minute 24 et 1 minute 53). Cela s’explique assez bien par des contextes de déshabillage/rhabillage assez différents selon les sexes, plus le temps passé au lavabo, parfois omis par les hommes, et souvent complété par quelques secondes de « raccord » pour les femmes.

Je lance mes simulations, prévoyant que 50% des personnes souhaitent se rendre aux toilettes lors des pauses qui ont lieu toutes les deux heures environ. À chaque étage étaient prévues, de manière « équitable », des surfaces identiques de sanitaires pour chaque sexe. En conséquence le plan d’architecte donnait 10 places toilettes femmes (cabines très, très étroites) et 10 places toilettes hommes (5 urinoirs et 5 cabines). J’anticipais donc un goulet d’étranglement du côté des toilettes femmes.

Dans mes premiers scénarios j’observe que plus 99% des hommes attendent moins de 5 minutes pour accéder aux toilettes alors que seulement 66% des femmes attendent moins de 5 minutes. Suivant les scénarios, en faisant varier l’affluence, les heures de pause et le seuil à partir duquel une personne décide de tenter sa chance à d’autres sanitaires, au même étage ou à un autre étage, je pouvais observer de nombreuses femmes qui sur un temps de pause de 15 minutes, passaient entre 10 et 13 minutes à accomplir la mission « toilettes ». Cela ne laisse plus beaucoup de temps pour boire le café, converser avec les collègues ou tendre sa carte de visite à un contact utile.

Le cahier des charges du gestionnaire du centre de congrès était rempli : les pauses de 15 minutes permettent à tous les usagers d’accéder aux sanitaires et d’en revenir. Mais quelle différence de traitement quand on regarde de près, pour un lieu accueillant a priori autant de femmes que d’hommes !

J’ai interrogé depuis plusieurs femmes sur leur perception des capacités des sanitaires dans les lieux publics : bien souvent elles ont l’impression que les cabinets d’aisance sont sous-dimensionnés pour les femmes (aires d’autoroute, salles de spectacle, établissements d’enseignement). Il est vrai que pour les ERP, les textes sont globalement vagues, tandis pour les lieux de travail, le code du travail réglemente de nombre minimum de cabinets d’aisance, par tranche de 20 personnes.

Mais à égalité hommes/femmes ! Or on le voit, concernant le nombre de toilettes, l’égalité stricte est une discrimination…