Plan d’évacuation, quel objectif viser ?

S’il y a bien un indicateur commun à toutes les études d’évacuation par simulation c’est le temps d’évacuation du bâtiment. Quel que soit le logiciel utilisé, quels que soient les autres indicateurs observés, le résultat toujours mis en avant lorsqu’un consultant réalise une simulation d’évacuation est le temps d’évacuation global de l’ensemble de bâtiments étudié – qu’il s’agisse d’une salle de spectacle, d’un complexe sportif, d’une station de métro ou d’un site industriel. Les consultants les plus factuels se contenteront de rapporter cet indicateur sans commentaire. Ou bien accompagné d’une appréciation laconique, en général positive. C’est que nombre d’études de simulation de flux de piétons sont parasitées par ce qu’on peut nommer « l’effet parapluie ». Le donneur d’ordre paie une étude dont l’objectif est de rassurer son client final sur la sécurité du bâtiment proposé. Un consultant sérieux ne va bien sûr pas tricher sur le calcul du temps d’évacuation, mais il peut être tenté de l’accompagner d’un commentaire allant dans le sens de ce qu’attend le client…

La règle pourrait être, préalablement à l’étude, de définir un objectif de temps d’évacuation, fondé sur des contraintes justifiées par une argumentation cohérente. Voyons ensemble ici quelques moyens de déterminer cet objectif de temps d’évacuation.

L’objectif par la norme

Dans certains cas il existe une norme sur laquelle s’appuyer pour évaluer le temps d’évacuation obtenu par simulation. C’est le cas pour les stations de transport en commun sous-terraines qui font l’objet d’une norme internationale, la NFPA 130, laquelle préconise une évacuation des quais en moins de 4 minutes ainsi que l’arrivée sur un lieu sécurisé pour tous les usagers en moins de 6 minutes. Nous pourrions longuement détailler les paramètres à prendre en compte comme dans une simulation d’évacuation afin d’atteindre cet objectif. Retenons que lorsqu’une norme existe, elle peut constituer un très bon critère d’évaluation du temps d’évacuation obtenu par simulation.

La notion de temps disponible

L’objectif d’une évacuation de bâtiment est, la plupart du temps, de mettre les occupants en sécurité lorsque le fait de rester à l’intérieur du bâtiment présente un danger – et en premier lieu en cas d’incendie. La notion de temps disponible est souvent évoquée afin de décrire le temps dont disposent les occupants pour sortir de manière sûre du bâtiment. Dans le cas d’un incendie il peut s’agir du temps pendant lequel la visibilité sous deux mètres reste bonne. Cette notion de temps disponible est très bien expliquée dans un document édité par le Grand-Duché du Luxembourg intitule Prescriptions de prévention incendie, INSTRUCTION TECHNIQUE, Simulation d’évacuation des personnes à l’aide d’une approche performentielle.

L’utilisation d’un logiciel de simulation d’incendie comme PyroSim (FDS) peut alors s’avérer utile préalablement à la simulation d’évacuation pour obtenir une estimation réaliste du temps disponible en cas d’incendie et ainsi proposer un objectif sérieux pour l’étude d’évacuation.

L’objectif induit par l’aspect économique

Lorsque l’on réalise une étude d’évacuation, l’aspect sécurité est toujours mis en avant. Cependant, passées les déclarations de bonnes intentions et le discours politiquement correct, il est souvent difficile d’obtenir le budget nécessaire pour réaliser une étude sérieuse par simulation de l’évacuation d’un bâtiment. Pourtant il existe bien des arguments économiques à mettre en avant pour « rentabiliser » un travail sur l’évacuation d’un bâtiment. Le premier argument économique opposable est que tous les établissements recevant du public (ou des salariés) doivent être soumis à un exercice d’évacuation en grandeur réelle au moins deux fois par an. Lors de cet exercice l’exploitation commerciale est interrompue s’il s’agit, par exemple d’un commerce. En cas de site de industriel la production est le plus souvent elle aussi interrompue alors que l’ensemble du personnel continue naturellement à être rémunéré pour sa présence. Toute diminution du temps d’évacuation a donc un impact économique direct souvent assez simple à évaluer.

Mais au-delà de l’immobilisation du système par l’exercice d’évacuation, un autre impact économique est celui des personnes associées à la sécurité et au gardiennage. Prenons le cas d’un ferry : à l’arrivée pendant la durée d’évacuation du navire, un personnel de sécurité souvent important est payé par l’exploitant. Réduire le temps d’évacuation peut permettre de limiter ce coût.

Fixer un objectif de gain sur le temps d’évacuation permet de quantifier le retour sur investissement à attendre d’une étude par simulation de l’évacuation d’un site. Cela permet aussi de sortir par le haut du débat sur la sécurité qui a un coût réel pour un bénéfice difficilement chiffrable au delà des déclarations, sincères, de bonnes intentions de chacun.

 

En conclusion, quelle que soit la méthode par laquelle l’objectif de temps d’évacuation est fixé, la bonne pratique consiste à fixer cet objectif avant de réaliser le modèle de simulation proprement dit. Il nous semble que la détermination de cet objectif doit être la plus indépendante possible de l’étude d’évacuation par simulation elle même afin de garantir la légitimité de cette dernière.

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